La Lune Noire (français)

 La Lune noire

L’expérimentation du medium photographique chez Alexandre Arminjon s’amorce par l’exploration du procédé traditionnel de la solarisation, une écriture de la lumière inversée. Cette technique scellera notre rencontre alors que je le parraine pour le Prix Nièpce 2018. Le noir et blanc reste l’une des plus belles grammaires de cet Art narratif, poussé aux portes de l’indicible et du sacré chez A.A. L’image est un vestige, capable de repousser les limites de la représentation du monde. Je pense à Laszlo Moholy-Nagy qui croyait dur comme fer que l’Art pouvait construire un monde nouveau où l’Homme et la machine seraient réconciliés. Porté par ce même optimisme, Alexandre Arminjon s’est laissé tenter par plusieurs techniques : prise de vue numérique, transferts d’images analogique sur divers supports, collage, peinture allant jusqu’à réaliser ses propres encadrements, comme en témoigne sa précédente exposition consacrée aux icônes contemporaines. Aujourd’hui, il s’empare du procédé argentique à l’échelle du grand format. Ainsi, seront exposés cinq tirages argentiques allant jusqu’au 100 x 130 cm et animant le duo singulier du photographe et du tireur autour de l’agrandisseur. Ici, c’est Diamantino qui endosse le costume de l’alchimiste hors pair sous l’œil aiguisé du photographe. 

C’est, je crois, l’une des missions des artistes que de réinventer et de déployer l’utilité fonctionnelle de ces techniques. Ressusciter les procédés anciens est un phénomène qui s’est développé à partir de 1980, en relation avec l’émergence de la notion de patrimoine photographique et la mise en place de structures d’enseignement sur l’Histoire de la Photographie. L’écriture d’A.A relèverait ainsi de la métallisation du support sensible produisant des objets hybrides, ni négatif, ni positif. 

Ses impressions sont d’autant plus fortes qu’elles n’aiment rien tant que se parer d’imperfections telles des inclusions dans le diamant. Les images, au lyrisme éclairé, en foisonnent évoquant les traces d’un au-delà du réel. Atemporelles, pour ainsi dire intervisuelles, elles participent à redéfinir les procédés anciens par le prisme du regard contemporain. Et elles ouvrent aussi sur un espace-temps suspendu et soulignent que le cliché photographique, grâce à une savante composition de la profondeur et du champ, agit en surface. Hans Finsler, fervent militant d’un vocabulaire autonome de la photographie, dit que l’œil, privé de sa perspective habituelle, se trouve incapable de déterminer les rapports entre les formes montrées, parfois même leur taille. « Nous nous orientons par la vue qui, contrairement à une photographie, est liée au temps et à l’espace, à l’ici et au maintenant ». Plus de repères dans les images d’A.A, la lumière naît de l’obscurité, assourdit les contrastes, brûle les contours et sublime les formes élémentaires. La sombre lumière dévoile un monde absout de contrastes, tout en nuances. L’expression ici peut être d’une mélancolie heureuse ?   

Solenn LAURENT - Polka Galerie

Marraine du Prix Niépce


SL